Le mystère des oreilles de lapin

15 Août

En tant que rédactrice, je me tiens assez près du desk pour avoir un œil sur ce qui s’y passe, mais heureusement assez loin pour devoir corriger les correspondants. La preuve en image.

Un matin au bureau, notre éminent chef, habituellement cloîtré dans sa cage de verre, se lève de son fauteuil et pénètre dans l’enceinte de la rédaction. D’un air déterminé, il traverse la pièce avant de s’arrêter net devant ma consœur secrétaire d’édition et stagiaire d’été issue d’une grande école de journalisme au-dessus de Paris.

Le très sérieux chef expose le problème. Une adjointe à la culture d’une petite commune de Poitou-Charente est en train de devenir la risée du web. Sur une photo prise à une inauguration, des commentateurs moquent les soi-disant oreilles de lapin de l’élue.

Impossible. La collège SE se défend. Sur le papier du correspondant, fautes d’orthographe, tiraille : jusqu’aux insécables, tout a été vérifié. Et sur la susdite photo, il suffit de regarder le journal, en noir et blanc. Que dalle! Niet! Tout au plus, ce qui ressemble à des traces sur un panneau placé juste derrière la tête de l’élue…

Retour à la case départ pour le big boss. Sur la photo en couleur, quelque chose cloche. C’est vraiment rose et blanc, quoi. Perplexe, il pianote sur son téléphone le numéro du service photo. A l’autre bout du fil, on imprime, on zoome dans tous les sens sur l’image. Les oreilles apparaissent alors comme rapiécées, rajoutées, pixelisées… Bingo, photoshopées! Le service photo est catégorique. Dans l’histoire, c’est soit la petite SE, soit le corres’ qui se paye la tête du chef. Celui-ci raccroche et revient à la charge mais la SE persiste et signe : jamais, elle n’aurait fait de farce au canard. Plutôt sage et consciencieuse, elle est rapidement mise hors de cause.

Au tour du correspondant de s’expliquer. Il se confond en excuse mais assure n’y être pour rien. Pas même ses petits enfants, il le jure, auraient pu lui jouer un tour. Difficile de douter de la parole du retraité et ex-banquier : les blagues, c’est pas vraiment son genre.

Pendant ce temps, à la rédaction, on cogite. Un SE expérimenté demande au correspondant de lui envoyer le manuel de son appareil photo. Le jour de la fameuse inauguration, celui-ci se rappelle avoir emprunté un compact numérique à sa fille.

Sur la notice explicative, le coupable est enfin démasqué : un mode de prise de vue qui permet l’ajout instantané d’oreilles à la Bugs Bunny. Au corres’, à la SE ou au service photo sensé contrôler le cliché : dans l’histoire de ces oreilles de lapin, le pire est qu’on ne sait pas vraiment à qui refiler le bonnet d’âne.

Hélène F.

 

 

 

En immersion

4 Août

« Et si on allait voir les sauveteurs en mer? » 

Fin juillet, les sujets ne se bousculent pas au portillon de la conférence de rédaction. Alors je me lance, toute guillerette.

« Mmmh. Ouais ».

Devant l’enthousiasme de mon red’ chef, je fonce. Après autorisation, je débarque le lendemain. « On vous emmènera faire un tour dans notre bateau » m’avait promis le chef du poste de secours au téléphone. En bonne journaliste de terrain, je troque donc ma jupe et mes sandales pour un jean et des tennis. Je garde quand même boucles d’oreilles et maquillage. C’est quand même les sauveteurs en mer, quoi.

Sur place, le chef me fait son topo, une petite visite et m’explique l’excursion prévue. Que dis-je : « l’entraînement ». Car ce qui était pour moi une simple mise en scène pour la presse est en réalité un exercice de sauvetage auquel je prends part. On me fait même un dessin. Un (faux) plaisancier tombe de son (vrai) catamaran, il fait des (faux) signes de détresse, il faut aller le chercher à bord d’un (vrai) zodiaque.

« Il faut courir mademoiselle »

« Vous êtes équipé? » ; « Euh… » ; « Vous avez un maillot? » ; « Non ». J’avais pas pensé que je serai mouillée dis donc.

« On va vous trouver une combinaison ». Bleue et jaune fluo. Et beaucoup trop grande. Mais je reste focalisée sur ma mission de journaliste en immersion. « Je peux prendre mon appareil photo? » demande-je.  « Il est étanche? » ; « Non » ; « Alors on va vous donner un sac plastique ».

C’est parti. Trois sauveteurs sortent du poste, je dois les suivre. Là, le chef me pousse gentiment dans le dos : « Il faut courir mademoiselle ». Ok, je m’élance jusqu’au 4×4 et je grimpe. Une fois arrivée au bord de l’eau, il faut descendre du 4×4. Courir dans l’eau pendant que le zodiaque, accroché au derrière du bolide ne soit lancé sur les flots, en marche arrière. Puis se hucher péniblement dedans. A ce moment précis, je renonce définitivement à séduire les sauveteurs.

« Accrochez-vous » me dit le pilote qui met les gaz. L’engin saute comme un cabri sur les vagues qui le lui rendent bien en s’y explosant allègrement. Sur moi aussi accessoirement. « Asseyez-vous dans le fond du bateau ce sera mieux ». En effet. Tremblante, je me recroqueville et me cramponne à mon sac plastique rempli de l’appareil photo.

Renoncer au cliché de l’été

Pendant ce temps les sauveteurs ne pipent pas un mot sinon dans leur talkie-walkie : « victime repérée largage en vue ». Le zodiaque stoppe pour récupérer le corps. Le temps de me remettre de mes émotions, de sortir la sacoche du sac plastique, puis l’appareil de la sacoche, d’enlever le cache et de l’allumer, le zodiaque redémarre, je vacille, je tombe. Pas de photo.

Retour vers le bord. Re-rouleaux, vagues qui t’en veulent personnellement, cheveux collés sur ta face.

Sur le sable, je prends enfin un cliché. Rentrée au poste, massage cardiaque. Je peux enfin faire ma photographe, tranquille. Mais je suis trempée et mon objectif plein de gouttes. Heureusement, le chef me le nettoie spontanément de son tee-shirt d’un blanc immaculé. « Un peu secouée? » demande t-il. « Un peu, oui ». En vérité, je tremble encore. Mais je ne perds pas de vue mon objectif (faire un papier quand même c’est pas tout ca) et cours récupérer mon carnet. Je termine donc le reportage dans ma combi trop grande, ruisselante.

Journaliste de terrain, CQFD.

Amour fraternel

29 Juil

Entendu hier sur la plage, alors que le Pays basque retrouvait enfin le soleil

« Monsieur, monsieur, vous pouvez m’aider s’il vous plaît ?

– Bien sur mon enfant, mais à faire quoi ?

– A massacrer mon frère ! »

Il avait les crocs

29 Juil

Aujourd’hui, après une journée de boulot, je profite des Fêtes de Bayonne.

Toute de rouge et de blanc vêtue, le foulard noué autour du cou, je me lance dans la foule des Festayres avec bonne humeur et motivation ! C’est parti pour une soirée de folie, à danser dans les penas jusqu’au bout de la nuit.

Premier arrêt dans la pena d’une connaissance, qui m’offre un verre. La soirée commence bien. Accoudée au comptoir, je discute tranquillement avec ma voisine, en sirotant ma Vodka-pomme.

Soudain, une douleur fulgurante à la fesse (oui, oui, la fesse) me fait grimacer. Je me retourne aussitôt et découvre, éberluée, un abruti passablement éméché, accroupi à mes pieds, un sourire qui laisse deviner un Q.I digne d’un poisson rouge et un taux d’alcoolémie dépassant le raisonnable.

Vous l’aurez sans doute compris, je viens de me faire mordre la fesse droite par un imbécile bourré en rouge et blanc.

Sous l’effet de la surprise, je ne réagis pas. Et regrette aussitôt mon absence de réflexe en voyant ce malade mental qui s’est pris pour un bouldogue enragé s’éloigner comme si de rien n’était. Suffocant d’indignation, et de douleur (oui, ça fait mal des canines aiguisées plantées dans la fesse moelleuse déjà bien garnie de jambon de Bayonne), je reste clouée sur place, incapable de réagir autrement que par un « Hé, mais ça va pas ?!?! »

Ca, c’est de la répartie. Reprenant mes esprits, je m’imagine déjà en train de sortir de la pena, rattraper l’insolent croqueur de fesse et lui asséner, dignement, un bon coup de genou là où ça fait mal.

Sauf que, le temps d’échaffauder mes ingénieux plans de vengeance, le bouldogue en rouge et blanc a disparu.

Et j’ai toujours aussi mal.